“Les gens de ce village étaient fiers de descendre des criminels déportés du temps de Pierre le Grand, et les rues portaient le nom de leurs crimes: passage de Scélérats, des Dilapidateurs des Fonds de l'Etat, des Faux Monnayeurs... (Les habitants de Nikolskoie) faisaient partie d'une secte appelée "les sauteurs" et composaient des poèmes religieux racontant leurs essais infructueux pour s'envoler au ciel. Peu de temps avant notre arrivée, un drame s'était joué au village: ils avaient fixé le jour de leur départ et, fermement convaincus qu'ils ne seraient plus sur cette terre au matin, ils avaient distribué tous leurs biens à leurs voisins dépourvus d'ailes. Mais une fois qu'ils eurent repris leurs esprits, ils se précipitèrent pour récupérer leurs biens et une bataille terrible s'ensuivit. Les poèmes les plus récents que nous nous étions procurés racontaient comment un "sauteur" faisait ses adieux à sa ruche préférée avant de la donner. Mandelstam avait retenu ces vers par cœur et les récitait souvent: le sauteur n'avait pas envie de s'envoler au ciel, il se plaisait sur la terre où il avait ses ruches, une maison, une femme, des enfants...”
Nadezhda Mandelstam - Contre tout espoir
“And there were equally fabulous
tales of a kingdom of Opona somewhere on the edge of the flat earth,
where the peasants lived happily, undisturbed by gentry or state.
Groups of peasants even set out on expeditions in the far north in
the hope of finding this arcadia.”
Orlando Figes – People's tragedy
“Le fond de l'histoire était que dans les montagnes du Khakhaze,
sur le versant nord, impénétrable, du Saïan occidental, des
géologues avaient découvert des hommes qui vivaient depuis plus de
quarante ans totalement coupés du monde. Une petite famille. Deux
des quatre enfants n'y avaient jamais vu d'autres humains que leurs
parents et leurs aînés et ne connaissaient le monde humain que par
ouï-dire.”
Vassili Peskov – Ermites dans la Taïga